Une nouvelle de :

Nizar .B . Zaine
Traduise par Ibrahim Darghouthi

Il frémissait de terreur (c’est ta fin Karim).
Elle tremblait d’horreur (tout est fini Nadia).
Ces mains à lui, elles ne répondaient pas.
Ces mains la trahissaient.
Elle se traîna vers la toilette et s’y renferma.
Difficilement, elle s’efforça de fermer la porte à clé, puis, elle tomba effondrée.
Quant à lui, il était entrain d’arranger le lit. Il essayait de soulever la main, sans avoir la force, pour brosser ses cheveux ébouriffés
Fortement, on frappa à la porte à coups rapides
Puis, d’un coup de pied on arracha la porte et un morceau de bois qui s’est envolé tomba sur son pied lui causant sa première blessure.
Un monsieur qui portait des habits civils était le premier à entrer dans la chambre. Il demanda :
– Où est la fille, sale chien ?
Alors, sans quitter le lit, il mouilla les draps lorsqu’un coup de point tomba sur sa bouche et son nez.
Le sang jaillit et deux dents tombèrent dans sa bouche. Ses lèvres enflèrent comme deux fois, puis quatre fois.
Il se cramponna comme un hérisson sans pics en chuchotant:
– ça y est Karim, c’est ta fin
– Debout bâtard
Et un coup de pied sur les cotes le fait sursauter en hurlant de douleur.
(C’est fini Karim) , ainsi il s’est dit à mi – voix
, tandis que ses cris s’élevèrent très haut.
Un autre homme habillé en civile rentra dans la salle ; suivi d’un troisième qui portait des habits militaires. Et des mains et des pieds sadiques commencèrent à lui jeter des coups de pieds … des coups de points … et des gifles
Des cris forts lui rendirent les oreilles sourdes:
– Où est elle maquereau ?
Où est la fille ?
Tout un monde lui posait cette question. Des civiles et des militaires déchiraient son corps à belles dents, en hurlant :
– Où est elle ? Où est elle ?
Des mains se jetaient sur lui … Des pieds le tapaient. Des souliers multicolores remplissaient son nez de sable.
Des mains le soulevèrent (où est elle ?), puis elles le projetèrent par terre comme de l’ordure (où est elle ? où est elle ?)
Et voilà qu’une main expérimentée cassa la porte des toilettes. (Tu es perdue, Nadia) et avec habileté, il tirait les cheveux. Il tirait fort sur les cheveux longs de la jeune fille dont les cris s’élevèrent haut dans le ciel. On lui giflait la figure et on tapait partout sur son corps.
Ses habits intimes étaient déchirés. Son joli sein se montrait mais un coup habile l’écrasa .
Enfin, quelqu’un s’approcha à petits pas déséquilibrés. Il avait les larmes aux yeux. Il tira un drap et il enveloppa la fille. Elle s’accrochait au drap des deux mains, et suppléante, elle balbutia :
– Oncle, mettez les pieds sur ma tête, et délivrez- moi des mains de ses gens
Il lui tourna le dos en se répétant :
– Je ne suis pas ton oncle. Je suis hors de ta cause.
Ton père, dans sa tombe est innocent, et toi , tu n’appartiens pas à notre famille . Nous sommes tous acquittés. Seule, tu es déshonorée et dévoilée. Tu seras maudite jusqu’au jour du jugement dernier. Puis, il saisit un couteau parmi des fruits éparpillés et il bondit sur la fillette. Mais, on lui défendit de la toucher au moment opportun.
Lui qui criait :
– Laissez – moi l’égorger pour laver mon déshonneur et sa honte avec son sang.
Et voilà que quelqu’un saisissait son turban d’entre les pieds et se jeta de nouveau sur la chevelure lisse de la jeune fille. Quelques mèches s’échappèrent d’entre ses doigts , mais il tirait sur les cheveux …Elle hurlait alors , et ses mains s’agitaient dans tous les sens comme un oiseau égorgé … Le drap qui enveloppait son corps tomba par terre , moitié à l’intérieur de la chambre , moitié sur le seuil de la porte .
Des femmes en robe de chambre, soupirèrent.
Des hommes en pyjama, grognèrent.
Et des enfants, avec des yeux à moitié ouverts bougeaient ci et là. Ils avançaient un pas puis ils reculaient pour se regrouper de nouveau.
Des murmures : qui est elle ? C’est une fille ! Elle est belle !
Des murmures : La maudite …La malheureuse … La maudite … La dupée …La maudite …
Des murmures : Où sont ils ses parents ? … Elle est sans doute orpheline ! Elle a peut être une mère putain ou une belle mère tyrannique ?
Des murmures : Mais, c’est une belle fille … Elle est très jolie … (Tu es perdue , Nada ) .
Et voilà Karim qui apparaît en rampant …
Des gens criaient derrière son dos et lui donnaient des coups de pieds sur le cul :
– Lève –toi, sale chien !
Mais, il n’arrive pas à se lever. Alors, on l’oblige à se mettre debout .Il se souleva comme un chien de cirque mal préparé, ne sachant pas quoi faire. Et, sans lui laisser le temps pour se reposer un peu, un coup sur la nuque le rejeta effondré, par terre.
Sa tête enflée, recouverte de blessures suait. Des traces rouges de toutes tailles couvraient son dos qui est devenu comme un tableau abstrait d’un peintre venu de l’enfer … Son long pantalon blanc glissa . Les femmes tournèrent le visage … Et les enfants malins rirent.
Karim le remit à sa place avec une main affaiblie en se disant à voix basse : (c’est ta fin Karim) .
On entendit une femme qui disait :
Ce Karim n’est pas médiocre comme on le croyait !
Une autre lui répondit :
– On dit de lui qu’il est timide et honnête et que (le chat lui volait le dîner).
A ce moment là, on met la fillette dans une voiture dont une lumière bleue s’installait sur le dos .une lumière qui se réfléchissait sur des visages hésitants entre réjouissance et miséricorde.
Une femme courut après la voiture et jeta un drap sur la jeune fille (tu es perdue Nadia) se répéta – t – elle en secret.
Quant à lui, on le jeta comme un sac d’ordure dans une camionnette et on chargea deux gardes de lui déchirer les muscles et de lui casser les os.

*******
On a isolé Karim dans une cellule individuelle. Des images agitées se suivirent dans sa tête brisée. Lui qui était comme une vieille barque sur des vagues houleuses .Et , il voyait , lui qui était éveillé qu’on amassait dans son ventre comme on amassait dans une boite de sardine ; de jeune gens musclés mais qui avaient les bouches bées et les ventres vides . Et on ordonna à ces jeunes de se jeter à la mer .
Il voyait ces jeunes qui se débattaient dans l’eau. Apres une heure, les plus forts atteindront le rivage, quant aux faibles, ils seront dévorés par les cressons et les requins; tandis que les malheureux, ils seront avalés par les prisons.
Lui, il était chanceux. Le ciel lui riait puisqu’il était
Devenu le concierge d’un immeuble. Vite, il avait eu la confiance des habitants.
Il faisait leurs commissions et il touchait de l’argent.
Il lavait leurs voitures et il touchait de l’argent.
Il cachait leurs secrets et il touchait de l’argent.
Sa caisse regorgeait de billets de toutes sortes.
Alors, il envoyait des mandats à ses parents. Et ses frères orphelins ont commencé à reconnaître le goût de la viande, et la saveur des pommes et des oranges.
Quant à lui, il portait des vêtements propres et marchait la tête haute.
Un soir, il sourit à Nada, lui qui se promenait sur le bord de la mer. Nada lui rendit le sourire.
Un autre soir, il lui fit signe de le suivre, et elle le suivit jusqu’à un coin isolé.
Là bas, ils se sont bien reconnus.
Un troisième soir, il lui demanda de lui rendre visite dans sa chambre et elle l’avait suivi.
Et comme deux aveugles, ils ont fermé les yeux, ne voyant que leur fol amour

*******

Sans force, son oncle était entré dans la maison familiale .Il s’était jeté sur le premier banc à sa disposition :
– Ils l’ont pris en flagrant délit avec le gardien de l’immeuble .Avait il dit d’une voix blessée
Sa maman s’est mise à se lamenter … Elle s’est frappée les joues …Elle s’est hissée les cheveux en répétant :
Tu es perdue Nada, tu es perdue.
– On lui demande des vêtements .Dit il d’une voix tremblante

La maman entra alors dans la chambre de Nada.
Avant, elle ne pouvait pas franchir le seuil de ce lieu
intime car Nada était devenue une jeune fille et elle cachait ses secrets.
Nada qui était gâtée.
Nada qui vivait dans le confort.
Comme c’est drôle ! Cette Nada, la belle, qui n’avait que seize printemps reliait des relations avec le gardien de l’immeuble !!!
C’est une compromission !
C’est de la folie !
Peut être ce monsieur est magicien et il lui a joué un rôle.
Et la maman pleurait à chaudes larmes :
Tu es perdue Nada
Le frère du père défunt entra après elle. Il jeta un regard rapide dans la chambre :
Des tas de livres : des contes et des romans d’amour .Chaque titre renferme de l’amour et chaque page parle d’amour.
A coté de la radio cassette, une pile de cassettes chantant l’amour en Arabe et en d’autres langues étrangères.
Sur une étagère, à coté de la télévision et de la vidéo étaient entassés des films.
Dans chaque titre il y avait une histoire d’amour.
Sur le lit, il y avait un cahier.
Il feuilleta le cahier et il commença à lire des vers brûlants d’amour et des paroles douces faisant l’éloge de l’amour .
Désolé et étonné, il avait secoué la tête à maintes reprises puis, il avait pris la route, marchant à petits pas Il tenait sous le bras le paquet à vêtements de Nadia et il marmonnait :
Tu es perdue Nada .